Un massif en commun(s) ?

Les hautes vallées de la Roya et de la Vermenagna, 
entre France et Italie

Hélène Copin

Le texte ci-dessous est issu d’un travail de fin d’études soutenu à l’École de la nature et du paysage. Cette page n’inclut qu’une partie des documents graphiques publiés dans la revue papier.

Je marche sur la croupe herbeuse de la crête frontière. Au nord comme au sud, j’entends les cloches du bétail, les pas des randonneurs et la progression des cyclistes. Les usages se multiplient sur ces grandes parcelles héritées des communs, comme un appel au paysagiste à venir écouter les voix de chacun. Si je descends dans les vallons plus encaissés ou sur les terres plus ingrates, ces musiques cessent. En Italie comme en France, il existe aujourd’hui en montagne des espaces non gérés, souvent sur un foncier privé morcelé à l’extrême. S’ils ont une importance symbolique pour nos sociétés métropolitaines, leur présence témoigne de l’abandon de pratiques ancestrales et de difficultés à l’échelle locale. Dans ce contexte, le paysagiste peut-il devenir médiateur ? Inviter à la cohabitation ? Peut-on imaginer un projet de paysage à l’échelle d’un massif, en se jouant des frontières ?

Des enjeux communs de part et d’autre de la frontière
L’invention d’une frontière

Le col de Tende, à l’extrême sud des Alpes, permet de basculer du Piémont italien à la Méditerranée. Pendant plusieurs siècles, il fut le centre d’un comté qui tirait sa richesse du franchissement de la montagne, profitant de sa position de charnière pour imposer un péage. C’est à partir de ce passage que le territoire du col s’est constitué.
En 1947, le col est devenu une frontière internationale : la France au sud, l’Italie au nord. La géographie de la ligne de crête a servi de justification, selon une lecture naturaliste gommant des siècles d’histoire commune. Cette rupture n’empêche pas la permanence de relations transverses : il n’y a qu’à se pencher au-dessus des 1 871 mètres d’altitude du col pour observer les va-et-vient des véhicules aux sorties du tunnel – l’un des premiers construits dans les Alpes pour la route (1881), et aujourd’hui le troisième par le volume de son trafic. Un autre est en chantier pour mieux franchir le massif, en plus du tunnel ferroviaire, qui semble aujourd’hui négligé. Trois kilomètres dans l’obscurité de la roche, d’un paysage à l’autre.

Un dialogue commence à se dessiner en mettant la ligne de crête au centre des regards.

Face au soleil : Tende, la vallée de la Roya, ses versants couverts de pinèdes. Les gravures de la « vallée des Merveilles » témoignent d’activités pastorales dès le néolithique, il y a 5 000 ans. Incluse dans l’aire d’adhésion du parc national du Mercantour, Tende est aussi rattachée à la côte par la Communauté d’agglomération de la Riviera française (Menton).
Face au nord et à l’humidité du golfe de Gênes : Limone-Piemonte, dans la vallée de la Vermenagna, des hêtraies en mosaïque. Sa station de sports d’hiver a ouvert dès le début du XXe siècle, à l’initiative des militaires, et entend bien rester en activité. Enclave entre deux parcs naturels régionaux (le Parco Marguareis et le Parco Alpi Marittime, jumelé dès 1987 avec le Mercantour et premier « parc européen » depuis 20131), Limone a fait un autre pari.
Le col de Tende marque donc un basculement entre deux réalités distinctes sur le plan géographique. Pourtant, dans mon travail de fin d’études, j’ai voulu considérer Tende et Limone comme les deux versants d’une même montagne, différents comme l’adret et l’ubac d’une même vallée, et non pas comme les confins de deux nations.
Le col est aujourd’hui un carrefour touristique. Des ouvrages militaires à l’abandon, des sentiers historiques qui se jouent de la frontière et demandent de l’entretien ; des cyclistes, des marcheurs, des skieurs, des coureurs, des planeurs, des grimpeurs, des itinérants. Les deux hauts de vallée sont confrontés aux mêmes enjeux : dans ces paysages d’altitude, les terres les plus ingrates ne sont plus cultivées, laissant la place aux arbres ; dans les lieux plus accessibles, les usages se démultiplient, au risque de susciter des malentendus, voire des conflits. À l’échelle locale, la frontière politique disparaît dans l’herbe des alpages. Pour répondre aux absurdités dues à des fonctionnements nationaux éloignés, des possibilités juridiques et administratives pourraient permettre de dépasser la fracture de 1947 et d’imaginer des perspectives de coopération au sein d’une Union européenne certes fragilisée, mais qui pourrait ici s’incarner.
De chaque côté, enfin, la recherche d’un équilibre entre la permanence de lieux domestiques (cultures, alpages) et le retour du sauvage (terres délaissées) est lancée.

Schéma d’acteurs
Si la société civile est riche de pratiques tournées vers la frontière, les gestions forestières et agricoles sont aujourd’hui strictement divisées dans des logiques étatiques. Une coopération entre les deux communes existe mais se concentre surtout autour du tourisme, tandis que la coopération entre les parcs naturels, incitée également par les financements de l’Union européenne, fait figure d’exception dans les instances institutionnelles.
Je propose de rassembler des acteurs de part et d’autre
de la frontière au sein de nouvelles solidarités (filières sylvicole, agropastorale et du tourisme), épaulées d’une structure assumant la transversalité : le GECT des quatre communes.

GECT – Groupement européen de coopération transfrontalière. GEIE – Groupement européen d’intérêt économique. AFP – Association foncière pastorale. LIFT s.p.a. – Opérateur de la station de ski de Limone. MOA – Maîtrise d’ouvrage. MOE – Maîtrise d’œuvre. MU – Maîtrise d’usage.
Au-delà des limites administratives, accompagner l’émergence d’une maîtrise d’ouvrage

Comment imaginer un projet d’aménagement alors qu’aucune maîtrise d’ouvrage n’est constituée, qu’aucune demande collective ne semble clairement formulée ? Pour concevoir ce microterritoire de manière unifiée, il est essentiel de se projeter dans une évolution du schéma d’acteurs existant.
Ici, le travail initial du paysagiste est de susciter l’envie d’agir en commun et de suggérer qu’une action volontaire et coordonnée sur les paysages est possible. Les outils peuvent être multiples : des cartes postales affichant un avenir décalé et pourtant probable, poussant les exagérations de la démarche prospective pour mieux interpeller ; des « balades contées » sur le territoire, suggérant des devenirs possibles. En confrontant leurs expériences du site, différentes personnes pourraient se rassembler autour d’enjeux communs. Peu à peu, une société locale transfrontalière se construit, partageant des préoccupations. Une maîtrise d’ouvrage, à l’écoute de l’ensemble du territoire et à même de porter une vision collective, émerge ainsi en direction d’un projet transfrontalier.

Comment imaginer un projet d’aménagement alors qu’aucune maîtrise d’ouvrage n’est constituée, qu’aucune demande collective ne semble clairement formulée ?

Un maillage foncier en décalage avec la réalité

Aujourd’hui, il existe des outils juridiques pour constituer une société locale transfrontalière, grâce à l’Union européenne2. Des projets communs pourraient donc franchir la frontière politique entre deux États. Mais qu’en est-il des limites de propriété, de la complexité foncière d’un territoire de montagne ? Deux extrêmes se côtoient : les grandes parcelles communales ou domaniales, héritage des communs3, et le morcellement en d’infimes parcelles privées, héritage de propriétés chéries au temps où elles rimaient avec subsistance.
Aujourd’hui, la majorité de ces multiples et minuscules parcelles appartiennent à quelqu’un, sans être habitées par personne. Que le propriétaire soit parti en ville ou qu’il ait émigré aux États-Unis, qu’il ignore même qu’il possède ce terrain ou qu’ils soient seize propriétaires du même timbre-poste, qu’il ne soit pas à même de s’en occuper ou indifférent, le résultat est le même : le foncier est figé et les terres abandonnées.
En marge du système de production, ces terrains n’ont pas connu de remembrement. Le chantier est ouvert pour imaginer d’autres modes de propriété, non exclusifs, ou bien des groupements, des associations. Il s’agit de trouver un accord entre le système administratif et la vie locale pour pouvoir, si l’envie est là, réinvestir ces terrains délaissés. À cette fin, je suggère de créer une association foncière regroupant les milliers de parcelles privées sur lesquelles se trouve la station de ski de Limone. Réunis en une structure collective, les propriétaires pourraient alors travailler de concert avec la société d’exploitation de la station pour gérer ces espaces en voie d’enfrichement de manière cohérente.

Cartographie des parcelles cadastrales, des alpages communaux et des sites Natura 2000 à Tende et à Limone, trame sous-jacente au paysage actuel.

Autour du col de Tende, les grands espaces de part et d’autre de la frontière sont des biens communaux sur une épaisseur d’au moins quatre kilomètres. Mais ils sont eux aussi recouverts d’un enchevêtrement de frontières – limites d’unités pastorales, des propriétés communales et de trois zones Natura 2000 distinctes malgré la continuité des espaces – avec leur cortège de documents d’objectifs, plans de gestion, contrats et baux.
Les biens communaux sont hérités des communs des sociétés médiévales, administrés par et pour la communauté locale. S’ils ont échappé au morcellement parcellaire des dernières générations, ils ont glissé du statut de communs à celui de propriétés communales. À ce titre, c’est la commune qui décide de leur gestion, et non plus une communauté participante. Pourtant, ouvrir des dialogues essentiels au fonctionnement démocratique permettrait d’améliorer la cohabitation dans de tels espaces.

Imaginer une gestion décloisonnée des communs de la frontière

Dans ce projet de paysage, je propose de rassembler les alpages de la crête en un espace pastoral. Bien que les communes restent propriétaires de ces espaces, sous la forme d’un groupement européen de coopération transfrontalière (GECT), leur propriété n’est pas exclusive mais soumise aux propositions de la maîtrise d’usage. C’est le rôle du Forum du massif, une enceinte de débat où dialoguent les filières sylvicole, agropastorale, du tourisme et les collectivités publiques, pour un développement local cohérent.
Dans cette optique de décloisonnement entre les professionnels du bois ou de l’élevage et les naturalistes, six fiches proposent des actions de gestion sur des milieux où les intérêts se recoupent. Conçues par une paysagiste, elles n’ont pas la prétention d’inventer des modes de gestion, mais s’appuient sur des compétences transversales pour vulgariser des connaissances techniques propres à une filière, auprès d’autres. Par exemple, un bref premier passage des brebis, dès la fin mai, sur les pelouses en gradins typiques des alpages de Tende, aurait plusieurs effets directs. Il valoriserait les graminées en touffe pour l’alimentation des animaux, tout en maintenant une partie du sol à nu – favorable à la richesse floristique spécifique de ce milieu, et par voie de conséquence, à la faune associée comme la perdrix bartavelle. Chaque fiche propose une action dont le résultat est triplement bénéfique pour valoriser au mieux et de manière durable les communs : en termes de production, de biodiversité et de paysage.

Des fiches-actions pour mieux valoriser les milieux où les intérêts se recoupent.
Au col de Tende, rendre visibles les activités qui façonnent les paysages

Pour parler de communs, chacun doit comprendre qu’une multitude de regards abordent le même espace. Se projeter dans le point de vue de l’autre est le premier pas vers une vision collective. Il est donc nécessaire de rendre visibles au passant, comme à l’habitant, les activités qui façonnent les paysages parcourus et vécus.
Je propose de mettre en scène une telle rencontre au col de Tende. Ce lieu offre un accès facile à des paysages peu ordinaires : les alpages, que l’on atteint en principe au prix d’une longue ascension. Au col, ils sont juste là : au bout de la route, à l’arrivée du télésiège de Limone 1400, juste au-dessus du tunnel. On pourrait aménager ces espaces communs à l’intention des marcheurs des crêtes, mais aussi des automobilistes qui ne faisaient que passer, attendant jusqu’à vingt-cinq minutes dans leur voiture que le feu du tunnel passe au vert.

Pour parler de communs, chacun doit comprendre qu’une multitude de regards abordent le même espace. Se projeter dans le point de vue de l’autre est le premier pas vers une vision collective.

En haut, le passant est invité à découvrir le col, à cheminer le long de la crête sur l’ancienne route militaire et à approcher les forts. Il voit la laiterie collective du groupement pastoral, installée dans les murs de l’ancienne écurie de la caserne qui menaçait de tomber en ruine. Dans le bâtiment neuf, en travers de l’allée centrale, se trouvent un point de vente des produits d’altitude et un espace d’exposition, une salle de conférences et des sanitaires. Ce lieu de rencontre accessible devient un laboratoire pour les pratiques innovantes en montagne. Le fort est aménagé pour accueillir les troupeaux la nuit afin de prévenir les attaques de loups, ce qui évite un parcage coûteux et contraignant. Autour, des aménagements ponctuels rythment et organisent les circulations, édifiés avec des matériaux prélevés sur place : pierres des ruines et planches de mélèze pour les assises, poteaux de mélèze, grave issue de la matière extraite pour le chantier du tunnel.

A. La laiterie du col
Aux normes européennes, une coque de polycarbonate transparente, lavable et stérilisable isole les lieux de transformation des murs de pierre.

B. Centre de rencontre et point de vente
Ce bâtiment sera le mariage des belles capacités des matériaux locaux (poutre en pin lamellé-collé, bardage en mélèze, chauffage copeaux de la Vermenagna) et des matériaux efficaces et peu chers que l’on retrouve beaucoup en montagne aujourd’hui : béton au sol, bac acier pour la toiture et la couverture des murs.

C. Évolution libre des ruines
La circulation au sein du reste des casernes, laissées telles quelles, est sécurisée par un marquage au sol qui responsabilise le visiteur.

Habitants et visiteurs prennent conscience que ces paysages aux allures de steppes mongoles sont le fruit de la main de l’homme et de la dent de son bétail. L’herbe rase est elle aussi un héritage : celui d’un temps où chaque pente de la montagne était pâturée, par nécessité. Les alpages témoignent d’une certaine permanence, ils sont le lieu confortable du domestique.
Par contraste, le retour de forêts sur de vastes étendues peu ou pas gérées résulte des changements récents de notre société et de ses façons de produire. Ce témoin dérangeant d’un abandon représente aussi une ouverture des possibles, une invitation à cohabiter.

Changer de regard sur les espaces sauvages
Un retour du sauvage : quel sauvage ?

Le retour de ces étendues « sauvages » est un enjeu de société. À Tende, les forêts ne représentent pas d’intérêt économique aujourd’hui (mais plutôt un coût pour la commune), tandis qu’à Limone leur éventuel apport ne peut rivaliser avec les recettes des sports d’hiver. Ce ne sont pas non plus des forêts à préserver : les pinèdes de Tende sont écologiquement pauvres, les taillis de hêtres de Limone sont des écosystèmes fortement dégradés. De part et d’autre, les stades pionniers intéressent peu les naturalistes. Par ailleurs, il n’y a pas d’enjeu de prévention des risques (avalanche, érosion) : sans présence humaine, aucun risque. Non, il n’y aura pas de gestion. Mais à chaque regard vers la montagne, ces arbres qui avancent mettent en évidence le basculement de nos habitudes de production : ils incarnent la déprise rurale, offrant une démonstration éloquente de l’évolution des milieux de vie avec les sociétés, du caractère politique des paysages.
On peut dire « sauvages » ces grands espaces ni gérés ni protégés, qui ne constituent nullement une ressource pour notre société actuelle. Je n’entends pas dans ce terme la prétendue pureté propre à la wilderness. Aucune surface de la planète n’est isolée du contact humain, et certainement pas le col de Tende. Ces espaces atteints par le bruit constant de la route et les nombreuses pollutions de la côte sont liés à nos lieux de vie, et un bipède s’y aventure même de temps à autre. Non, le sauvage est plutôt parmi nous. Il est dans les interstices, sans devenir pour autant hybride. Si le loup dort parfois dans des maisons abandonnées, si le chevreuil vient manger dans les champs et si le sanglier s’approche de nos jardins, ils n’en sont pas pour autant dépendants de nous comme les animaux domestiques ou le bétail. Ils demeurent autonomes, indépendants ou plutôt dans une interdépendance équilibrée, adéquatement reliés à la communauté biotique4

S’aventurer dans le sauvage et le donner à lire

Ne voyons donc pas seulement dans le sauvage le signe de l’abandon. Ce retour nous effraie parce qu’on ne sait plus en lire les signes, parce que le reste du vivant est devenu silencieux pour nous et dès lors incompréhensible. Nous devrions savoir cohabiter ; apprendre à nouveau « comment se comporte le vivant là-dehors5 », saisir les liens qui nous tissent à lui.

Ne voyons donc pas seulement dans le sauvage le signe de l’abandon. Ce retour nous effraie parce qu’on ne sait plus en lire les signes, parce que le reste du vivant est devenu silencieux pour nous et dès lors incompréhensible.

Les actions proposées sont légères et relèvent davantage de la suggestion que de l’aménagement. Il s’agit d’ouvrir la voie d’une connivence avec ce sauvage, d’inviter à s’aventurer hors des sentiers battus, plutôt que d’inculquer une connaissance. C’est le sens de ce cube métallique que les passants déplacent au gré des éléments qui attirent leur regard, pour les révéler à d’autres, ainsi que de cette signalétique. Elle propose des clés de lecture du paysage, suggère d’en déchiffrer les formes, d’être attentif en se déplaçant dans un milieu réglé par d’autres habitudes que les nôtres.

Une planche de mélèze supporte une feuille d’aluminium pliée avec une peinture électrostatique pour le graphisme proprement dit. L’accroche par des câbles fins peut s’adapter à une diversité de milieux.

Je propose également de réinvestir les ruines, témoins d’activités domestiques passées dans ces lieux délaissés. La construction consiste en un abri sommaire ouvert à tous, comme dans les montagnes italiennes. Un accompagnement pourra être proposé à la lisière sous la forme d’ateliers pour apprendre notamment à lire les signes, à écouter, à se déplacer, à reconnaître.
Cependant, s’aventurer dans ces milieux n’est ni une fin en soi ni une proposition à généraliser. Elle ne prend son sens que si l’on informe à propos de ces pratiques. C’est pourquoi je propose de mettre en place un journal participatif, nourri par les expériences individuelles. Il sera disponible sur les lieux les plus passants et accessible à tous : une boîte pour le prendre et une fente pour déposer son expérience. J’imagine alors que l’habitant du territoire, le journal dans son salon, lève des yeux nouveaux vers les tapis sombres qu’il aperçoit depuis sa fenêtre. Avec le temps, peut-être, le retour du sauvage ne serait plus subi mais accepté, voire désiré, selon une recherche d’équilibre avec des espaces domestiques imposants.
La montagne est riche de ses pentes, qui nous permettent d’embrasser du regard un étagement d’écosystèmes divers, à proximité immédiate les uns des autres. Les proportions entre le vert des forêts qui remontent les ramifications des vallons et le brun des alpages en fin d’été n’ont cessé et ne cesseront de bouger. Tandis que les alpages demeurent comme continuité de l’occupation humaine, les terres laissées au dynamisme du sauvage témoignent de notre mobilité. Elles rendent visible l’histoire d’une occupation qui alternativement vient puis se retire, habite des lieux puis les délaisse6. En bon généraliste, le paysagiste lit les uns comme les autres, lie les uns aux autres, à la recherche d’un équilibre mobilisant toute une société locale.

Une coque de bois, en mélèze ou en hêtre, pour l’intérieur, une isolation et une coque de tôle contre les intempéries, le tout déposé dans les ruines existantes.
Diplôme soutenu en Juin 2018.
Article publié dans les Cahiers n°17
Photos et illustrations : H. Copin.

Pour compléter cette lecture : une vidéo d’un exposé en écho à ce projet, enregistrée lors du colloque « habitats forestiers et forêts habitées »


  1. Le groupement européen de coopération transfrontalière (GECT), parc européen Alpi Marittime-Mercantour, a été créé en 2013. Cette structure permet une gestion commune des fonds structurels des deux parcs et la réalisation de projets de coopération.
  2. Le cadre juridique de la coopération transfrontalière au sein de l’Union européenne s’est construit en 1980, à partir de la convention cadre de Madrid. Depuis, un panel d’outils a été développé. Si les GECT sont un exemple de structure de droit public, les groupements européens d’intérêt économique (GEIE) en sont le pendant pour le droit privé. Les collectivités publiques peuvent les subventionner, voire y adhérer, mais elles restent un organe tiers et ne peuvent pas se substituer aux collectivités membres dans l’exercice de leurs compétences.
  3. Anne Sgard, « En montagne avec le paysage, un laboratoire du bien commun ? », Les Carnets du paysage, n° 33, Actes Sud/ENSP, 2018, p. 107-119.
  4. Baptiste Morizot, Les Diplomates. Cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant, Wildproject, 2016.
  5. Ibid., p. 65.
  6. John Brinckerhoff Jackson, À la découverte du paysage vernaculaire [1984], traduit de l’anglais (États-Unis) par Xavier Carrère, Actes Sud/ENSP, 2003.
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